Archives mensuelles : décembre 2014

Pour quoi ce livre sur la coopération ?

En ce début de 21ème siècle où nous devons faire face à de nouveaux défis, que ce soit à l’échelle de notre planète, de nos sociétés, de nos gouvernements, de nos entreprises, de nos équipes, de notre famille, etc., il nous faut apprendre ou réapprendre à coopérer et renouveler notre manière de travailler en commun.

La coopération se manifeste sous de multiples formes dans des contextes variés. Selon Hubert Reeves, sans la coopération, nous ne serions pas là, les atomes n’auraient pas formé des molécules, les poussières d’étoiles ne se seraient pas assemblées, la vie ne serait pas apparue et a fortiori, les êtres humains, les cultures, les civilisations ne se seraient pas développés.

Cet ouvrage a pour but de donner des repères et des outils permettant à des groupes ou des équipes d’acquérir et renforcer leur capacité à coopérer. Notre propos est centré avant tout sur les contextes de travail et sur des entités de petite taille (maximum 15 personnes). Les éléments présentés ici peuvent sappliquer également à dautres échelles et dans dautres milieux. Cependant, ils devraient être complétés par dautres apports qui nentrent pas dans le cadre de cet ouvrage.

Pour Axelrod, la coopération n’est pas une fin en soi, mais la réponse la mieux adaptée à l’incertitude et à la complexité. Selon la théorie des jeux, à long terme, la coopération est gagnante pour tous, mais suppose de renoncer à une part d’intérêts individuels immédiats pour le bénéfice du collectif.

La coopération, aussi essentielle quelle soit, nest pas facile. Elle ne va pas de soi. Lindividualisme, les relations de pouvoir, la compétition, les pressions et contraintes de toutes sortes dominent souvent. Tout saccélère. Les groupes nont pas le temps de se constituer quils doivent déjà se restructurer. Une même personne fait partie de plusieurs équipes et ne parvient plus à sinvestir dans chacune delles. Les moyens de faciliter les processus de coopération ne sont pas élaborés ou intégrés et chacun apporte ses idées et son expertise sans que la production collective narrive véritablement à « lever ». Les sentiments de perte dénergie, les frustrations, les tensions prennent la place du plaisir à coopérer. Et cest dautant plus le cas que lon travaille dans des organisations complexes, caractérisées par de multiples incertitudes et interrelations.

Quest-ce qui fait que lon coopère ? Comment créer les conditions favorables à la coopération ? Quels processus mettre en place ? Quest-ce qui peut aider un animateur et des participants dans un groupe à travailler efficacement ensemble ? À quoi faut-il être attentif à différents moments ? Quels freins, quel obstacles peuvent être rencontrés et comment les dépasser cas échéant ? Comment apprendre à coopérer, comment développer une compétence collective dans le travail en commun ? Telles sont les principales questions auxquelles cet ouvrage a pour but de répondre.

Sur quels vécus se basent nos réflexions ?

Depuis plus de deux décennies, nous avons été invités à travailler avec des collectifs, tantôt confrontés à des problèmes de fonctionnement, tantôt désireux de développer une meilleure efficacité. Nous avons été amenés à former ou accompagner des animateurs de groupe et des responsables déquipe dans divers milieux de léducation, de la santé, des administrations publiques et des entreprises privées. Régulièrement, nous avons constaté combien il est difficile pour ces personnes de prendre du recul sur les processus et relations présents dans le collectif. Le contenu du travail, la production tend à mobiliser entièrement lattention alors que les conditions de coopération ne sont pas réunies.

Nous avons été conduits à développer des repères et un modèle pour faciliter cette prise de recul et aider les groupes et les équipes à analyser leur processus de fonctionnement. Intervenant très souvent en coanimation, nous avons eu de multiples occasions dexpérimenter, de réguler, daffiner nos réflexions. Nous avons aussi beaucoup appris des multiples retours des personnes avec lesquelles nous avons collaboré.

Notre travail sur le terrain comme dans lécriture de cet ouvrage est le fruit d’une coopération entre nous de longue durée, à la fois bienveillante et confrontante, riche de toutes nos complémentarités et portée par nos valeurs humanistes partagées.

Comment sont présentés et structurés nos propos ?

Animer, former, accompagner des équipes est toujours pour nous un défi passionnant, qui peut être relevé par lécoute, le dialogue, la recherche et la construction en commun des meilleures manières dappréhender la réalité vécue, de l’analyser et de la faire évoluer. Communiquer par l’écrit sur les processus de coopération en groupe sans réduire la complexité des phénomènes en jeu représente un autre type de défi. Comment nos apports, travaillés habituellement dans linteraction avec les personnes qui nous ont sollicités, peuvent-ils faire sens pour un lecteur. Comment pourra-t-il utiliser les repères, les modèles, les outils que nous proposons, dans les réalités quil rencontre ? Comment parviendra-t-il à se les approprier, les adapter, les partager avec ses collègues ?

Lexpérience de cet ouvrage permettra peut-être de répondre à ces questions. Nous avons opté pour multiplier les formes de communication possibles dans le cadre de l’écrit. Ainsi, le lecteur trouvera à la fois des concepts, des définitions, des explications, des citations, des images, des outils, des exemples, des checklist, des références, des questions, des éléments de réflexivité pour faciliter la compréhension.

Louvrage comprend cinq parties principales qui font suivante à ce préambule.

La première présente les notions clés. Quest-ce quon entend par : coopérer, groupe, équipe, faciliter, animer, etc. ?

La 2e partie expose le modèle et la logique qui organisent lensemble de nos apports, et plus particulièrement les dimensions clés de la coopération au service de la production collective : le sens partagé, lorganisation, limplication des individus et les relations de groupe ou déquipe. Les moyens de prendre soin de chacune de ces dimensions y sont présentés.

La 3e partie traite des autres aspects qui peuvent être considérés comme transversaux et qui modulent et influencent, de différentes manières, la coopération. Notamment, les aspects liés à la communication, à la prise de décision, à l’évolution du groupe dans le temps et aux liens qu’il entretient avec lenvironnement. Également, les questions liées à la réflexivité, à la régulation et aux compétences collectives.

La 4e partie aborde la complexité des processus de coopération et de leur facilitation. Comment les effets de différents processus, sur plusieurs dimensions, se conjuguent-t-il ? Quelles influences entre eux ? Comment agir, intervenir dans la complexité ? Comment laisser aussi émerger les processus en gestation au sein des groupes et des équipes ?

La 5e partie présente, en complément, différents dispositifs, méthodes et outils, qui sont décrits de manière à permettre une organisation de la coopération sans en réduire la complexité.